27.01.09 11:10 Il y a: 3 yrs

Pour les Eglises, la menace nucléaire s'éloignera un peu plus en 2009

 

 

Par Jonathan Frerichs (*)

 

De bonnes nouvelles sont à attendre pour 2009. Malgré un début terrible à Gaza et avec d'autres conflits chroniques, les gouvernements ayant pour objectif une sécurité commune vont atteindre une étape historique cette année. En effet, le nombre de pays protégés par des zones exemptes d'armes nucléaires devrait passer à 110, contre 56 à l'heure actuelle.

 

Le changement proviendra d'une capitale africaine, Windhoek ou Bujumbura, par exemple, dès qu'au moins deux gouvernements auront ratifié le traité faisant de l'Afrique une zone exempte d'armes nucléaires. Les Eglises encouragent cette démarche et appellent le Moyen-Orient à aller dans le même sens.

 

"Ce sera une bonne nouvelle pour l'Afrique et le monde", indique Bethuel Kiplagat, un diplomate africain aujourd'hui à la tête d'une initiative du Conseil oecuménique des Eglises (COE) visant à encourager l'entrée en vigueur du Traité de Pelindaba - qui prévoit que l'Afrique devienne une zone exempte d'armes nucléaires - en soutenant des actions de la part des Eglises au niveau national.

 

Récemment, une délégation oecuménique envoyée en Namibie a reçu une réponse positive de la part des autorités gouvernementales. Lorsque le traité africain sera ratifié, l'hémisphère Sud et les régions avoisinantes seront intégralement protégées. L'Amérique latine et les Caraïbes, l'Asie du Sud-Est, le Pacifique Sud et l'Asie centrale ont également créé des zones excluant les armes nucléaires et toute activité liée.

 

L'intérêt pour la sécurité internationale collective s'intensifie depuis plusieurs mois et les milieux oecuméniques y participent de différentes manières. "L'engagement des religions mondiales envers une sécurité commune se traduit par une action auprès des gouvernements pour qu'ils tiennent leur promesse de débarrasser le monde des armes nucléaires", avait déclaré le président du COE pour l'Asie, Soritua Nababan, lors d'un sommet de responsables religieux qui s'était tenu au Japon juste avant la réunion du G8 de l'an dernier.

 

L'installation d'un nouveau gouvernement aux Etats-Unis a déjà permis au monde d'accorder une plus grande priorité aux traités sur les armes nucléaires. La restriction des combustibles nucléaires et l'interdiction des essais nucléaires seront des questions centrales lors d'importantes conférences des Nations Unies auxquelles le COE participera en 2009 à Genève et New York. Pour les Eglises, cette tendance signifie que les 60 ans de politiques de désarmement soutenues par toutes les Assemblées du COE ont de nouveau un avenir après plusieurs années de frustrations.

 

"On assistera à une transformation fondamentale de la politique nucléaire des Etats-Unis", a déclaré Joseph Cirincione, qui était conseiller du président Obama pendant sa campagne électorale, à des organisations parmi lesquelles le COE, lors d'une conférence au Parlement européen le mois dernier. "Il s'agira notamment de tendre la main dès que possible au gouvernement russe et de négocier d'importantes réductions des arsenaux nucléaires", a expliqué Joseph Cirincione, qui préside un fonds de renforcement des capacités de la société civile dans ce domaine, la Ploughshares Foundation.

 

Dans un important discours prononcé à la fin de l'année dernière, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a qualifié l'abolition des armes nucléaires "d'intérêt public de premier ordre". Selon lui, les progrès interviendraient grâce à l'Etat de droit, notamment par des traités établissant des zones exemptes d'armes nucléaires en Afrique et, inévitablement, au Moyen-Orient. Le leader des Nations Unies a souligné le rôle essentiel du Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP), ainsi que de la Conférence du désarmement de l'ONU à Genève. Des délégations oecuméniques et interreligieuses assistent régulièrement aux deux forums.

 

Afin de promouvoir les zones exemptes d'armes nucléaires au Moyen-Orient, le COE a établi des contacts dans 50 pays avec des responsables gouvernementaux ainsi que des groupes religieux et de la société civile.

 

Le projet pour le Moyen-Orient se fonde sur une coopération entre des membres des trois religions abrahamique, parmi lesquels se trouvent certains des signataires de la lettre historique d'intellectuels musulmans envoyée aux responsables chrétiens en 2007, qui condamnaient les armes de destruction massive. Les initiatives en Afrique et au Moyen-Orient reflètent les résolutions de l'Assemblée et du Comité central du COE.

 

L'uranium, une ressource dangereuse

 

"L'Afrique possède d'énormes ressources nucléaires, ainsi qu'une vocation et un engagement pour le désarmement et l'exclusion des armes nucléaires", affirme l'ambassadeur Kiplagat. La Namibie, par exemple, est sur le point de devenir le plus gros exportateur mondial d'uranium. Ses dirigeants s'efforcent de protéger cette ressource d'un contrôle extérieur.

 

La zone exempte d'armes nucléaires en Afrique offrirait à des pays comme la Namibie des garanties en matière de sécurité, d'environnement et de commerce. Sans une réglementation de ce type, un pays ayant cette ressource minérale rare et dangereuse pourrait se retrouver dans une situation où l'uranium ferait l'objet d'un trafic comme celui des diamants de conflit, a indiqué Andre September, président de l'Eglise congrégationaliste unie d'Afrique australe, lors des rencontres du COE en Namibie.

 

Le professeur Tinyiko Maluleke, président du Conseil des Eglises d'Afrique australe, a déclaré à la délégation du COE qu'en Afrique, l'énergie et l'armement nucléaires doivent être vu "à travers une autre lentille - celle d'un 'budget du peuple', par exemple, et en prenant en compte la nécessité de sécurité humaine et de protection environnementale." L'Afrique du Sud est le seul pays du continent a avoir possédé l'arme nucléaire.

 

"C'est un exercice de foi que de prendre conscience de la menace que les armes nucléaires posent à la vie humaine, à toute forme de vie et à l'intendance de la création divine", avait affirmé le président du COE Soritua Nababan lors du sommet de responsables religieux qui s'est tenu au Japon l'an dernier.

 

Soritua Nababan avait indiqué que le fait de réduire maintenant la menace nucléaire serait profitable dans de nombreux domaines. Il a affirmé que les Eglises voient la crise nucléaire comme une crise politique, économique, environnementale et spirituelle.

 

Elle est politique, a-t-il expliqué, parce que le monde est divisé entre les quelques puissances qui ont la technologie nucléaire et celles, beaucoup plus nombreuses, qui ne l'ont pas; économique, parce que les programmes d'armes nucléaires sont les éléments les plus coûteux au sein des plus gros budgets militaires mondiaux; environnementale parce que, comme les changements climatiques, les armes nucléaires constituent un abus de l'énergie, suffisant pour menacer la vie sur la planète; spirituelle et psychologique, parce que les armes nucléaires exigent de leurs propriétaires l'inverse de ce que Dieu prévoit pour la communauté humaine.

 

Plusieurs actions récentes contre les armes nucléaires peuvent être citées: l'initiative mondiale de la société civile pour l'élimination des arsenaux nucléaires, appelée Global Zero; en 2008, 500 villes ont rejoint une coalition anti-nucléaire appelée Mayors for Peace (maires pour la paix), qui comprend désormais 2 600 municipalités; une nouvelle proposition de l'Union européenne propose une interdiction mondiale des essais nucléaires et de la production de matière fissile; des Eglises du Royaume-Uni font pression auprès de leur gouvernement pour que celui-ci renonce au renouvellement de son arsenal nucléaire; enfin, une récente conférence oecuménique à Séoul a invité les Eglises à répondre au niveau mondial aux menaces nucléaires qui pèsent sur les pays.

 

Les Eglises et les organisations liées qui oeuvrent contre les armes nucléaires et les autres armes de destruction massive contribuent à la Décennie "vaincre la violence" du COE, à son accent régional final sur l'Afrique et au Rassemblement oecuménique international pour la paix de 2011. Cet événement se tiendra dans les Caraïbes, qui font partie de la première zone exempte d'armes nucléaires dans le monde.

 

 

(*) Jonathan Frerichs, responsable des activités du COE pour le désarmement nucléaire, est membre de l'Eglise évangélique luthérienne d'Amérique.

 

Plaidoyer du COE pour la justice et la responsabilité

 

Rassemblement oecuménique international pour la paix

 

Note de l'Assemblée du COE sur l'élimination des armes nucléaires