Les Eglises kényanes à la recherche de la paix pour leur pays "au bord du génocide"
Soucieuses d'éviter que le pays ne sombre dans le génocide, les Eglises kényanes envisagent des efforts de guérison de longue haleine qui exigeront l'engagement durable des partenaires oecuméniques internationaux.
Alors que le nombre des victimes augmente de jour en jour, tout comme celui des personnes déplacées, le Kenya affronte la plus grave crise qu'il ait connue depuis son indépendance, il y a 45 ans. A la suite de l'élection présidentielle contestée de décembre 2007, plus de 800 personnes ont été tuées, dont deux membres du Parlement.
Face à ces violences, des milliers d'habitants ont quitté leurs demeures pour chercher refuge dans quelque 130 camps mis en place dans tout le pays. Le nombre des personnes déplacées est estimé à 230'000 par le gouvernement, tandis que les oeuvres d'entraide parlent de 500'000.
"Alors que notre pays est au bord du génocide", déclare le chanoine Peter Karanja, secrétaire général du Conseil national des Eglises du Kenya (NCCK), "les Eglises prennent des mesures à divers niveaux." Le chanoine Karanja s'exprimait devant une délégation oecuménique internationale qui effectuait une visite dans le pays du 30 janvier au 3 février, dans le cadre de l'initiative "Lettres vivantes", manifestation de solidarité avec les Eglises qui affrontent des situations de violence.
Les Eglises kényanes invitent instamment les deux camps pris dans une situation politique sans issue à ne pas couper les ponts. "Nul n'est innocent", déclare le chanoine Karanja, "et nous prions pour que le processus de médiation entamé par Kofi Annan porte des fruits."
Les efforts des Eglises pour ramener la paix se poursuivent à deux niveaux: un forum interreligieux et des rencontres directes entre responsables chrétiens faisant partie de diverses communautés ethniques. La première de ces rencontres a eu lieu le 30 janvier à Nairobi et a rassemblé quelque 25 évêques de différentes confessions, membres des communautés Kalenjin et Kikuyu.
A la fin de cette réunion, les participants ont affirmé leur engagement à demander instamment à leurs groupes de mettre fin à la violence et de ne pas chercher à se venger. "Le fait de participer à cette réunion constitue un acte de courage", a déclaré le chanoine Karanja. Une rencontre du même genre entre évêques Kikuyu et Luo devrait se dérouler cette semaine, et on espère qu'elle sera suivie par d'autres.
Quant au forum interreligieux, il rassemble des représentants des Eglises catholique, protestantes, évangéliques, d'institution africaine et adventistes, ainsi que des membres des communautés musulmane et hindoue. Face à cette crise, il s'efforce en premier lieu d'encourager les efforts de médiation politique, d'apporter des secours, d'organiser un mouvement de prière dans tout le pays et de se faire entendre dans les médias pour diffuser des messages de paix.
Bien que les responsables religieux soient "animés de sentiments de loyauté tribale", a déclaré Benjamin Nzimbi, archevêque anglican du Kenya et président du forum, "ils n'ont pas ménagé leurs efforts, avant, pendant et après l'élection, pour inviter la population à sauvegarder la paix et éviter le chaos."
Les Eglises kényanes organisent également des secours d'urgence pour atténuer les effets de la crise humanitaire due aux énormes déplacements de population. Le NCCK gère actuellement cinq camps où il apporte une aide immédiate et un soutien pastoral, notamment aux enfants traumatisés par les événements.
Dans la région de Nairobi, la population "n'est guère touchée, sinon par l'arrivée des personnes déplacées", explique l'archevêque Njeru Wambugu, de l'Eglise indépendante nationale d'Afrique. Comme le déclare l'évêque Moffat Cleoppa, de la Communauté évangélique pentecôtiste d'Afrique, "nous constatons que les gens se montrent prêts à accepter des sacrifices et à partager leurs ressources avec leurs prochains comme ils ne l'ont encore jamais fait."
"Malgré les massacres et les déplacements de population, l'amour n'a pas disparu du Kenya", affirme Hellen Muchogu, qui coordonne les activités du groupe féminin de l'Eglise presbytérienne d'Afrique orientale. L'archevêque Wambugu, l'évêque Cleoppa et Madame Muchogu sont tous trois membres du Comité du NCCK pour la région de Nairobi.
Mais pour guérir les blessures causées par cette crise, il faudra à long terme des ressources qui dépassent les capacités des Eglises du Kenya. "Tout le monde, y compris les milieux politiques, attendent des Eglises qu'elles jouent un rôle important en matière de réconciliation, de guérison, de réinsertion et de rétablissement de la confiance", déclare le chanoine Karanja, qui ajoute que "nous aurons besoin du soutien fidèle et durable de nos partenaires oecuméniques internationaux si nous devons jouer ce rôle."
A court terme, cependant, rien n'est plus nécessaire que les prières: "Nous avons besoin de vos prières pour ramener les gens à la raison", déclare l'archevêque Nzimbi. "Nous devons faire revenir le Kenya là où il devrait être."
Pour d'autres renseignements sur la visite des "Lettres vivantes" au Kenya
Conseil national des Eglises au Kenya (en anglais)
Documentation sur les visites de "Lettres vivantes" (en anglais)
Décennie "vaincre la violence"