07.07.08 10:26 Il y a: 4 yrs

Les religions s'unissent pour une coexistence harmonieuse à Cologne

 

"Sais-tu qui je suis?", une initiative interreligieuse pour découvrir sa propre foi et celle des autres, pour surmonter les préjugés et vivre paisiblement ensemble en Allemagne.

 

par Carmen Molitor (*)

 

"Il est toujours bon de voir ce qui est sorti d'une idée", dit la pasteure Barbara Rudolph. La directrice du Conseil des Eglises chrétiennes d'Allemagne (ACK) se réjouit de savoir comment le projet local de Cologne de la campagne "Sais-tu qui je suis?" s'est développé.

 

Lorsque l'ACK, le Conseil central des juifs, le Conseil central des musulmans et l'Union turque islamique des affaires théologiques (Ditib) ont lancé leur campagne nationale et, avec l'appui du ministère fédéral de l'Intérieur, mis en place 120 projets locaux pour une meilleure coexistence entre les religions, l'idée est tombée sur un sol fertile, à Cologne aussi.

 

Barbara Rudolph n'était pas venue seule à l'Académie Melanchthon pour écouter les organisateurs de Cologne faire le bilan de la campagne. Elle était accompagnée par une équipe internationale de "lettres vivantes" du Conseil oecuménique des Eglises (COE) forte de six membres, en voyage d'information en Allemagne. La délégation visitait du 27 juin au 4 juillet des projets qui illustrent le travail en réseau exemplaire mené au service des objectifs de la Décennie "vaincre la violence" 2001 - 2011.

 

Pour Hannelore Bartscherer, la balançoire symbolise bien la vie commune des religions à Cologne: sur une balançoire, on connaît certes des hauts et des bas, mais on a du plaisir à jouer et chacun a besoin des autres pour que quelque chose bouge, explique la présidente du comité catholique local aux représentants du COE. Ainsi, on comprend facilement qu'une initiative qui s'est fixé pour but une coexistence harmonieuse dans la vie quotidienne finance une fois par an une balançoire sur une place de jeux de Cologne et cherche pour cela des sponsors des trois religions.

 

La campagne "Sais-tu qui je suis?" a commencé à Cologne de manière sensiblement plus théorique, par la signature solennelle d'un "engagement en faveur de la paix", sorte de charte d'acceptation mutuelle et de non-violence. Le comité catholique entourant Hannelore Bartscherer avait pris l'initiative de cette action et cherché des partenaires dans les communautés chrétienne, juive et musulmane de la ville.

 

Tout le monde n'a pas participé: en tant que représentation officielle de la partie juive, nous avions invité la communauté de la synagogue orthodoxe, la plus grande des deux communautés présentes à Cologne, explique Hannelore Bartscherer. Et, bien que Cologne soit le siège de nombreuses associations et organisations musulmanes, seule la Ditib s'est jointe au projet.

 

Les groupes participants ont envoyé chacun un membre au comité de planification, qui s'est mis d'accord sur un texte au terme de dures négociations. Avec le maire de Cologne Fritz Schramma, ils ont ensuite solennellement signé la charte en 2006, dans le cadre historique de l'hôtel de ville, délibérément choisi en tant qu'endroit neutre, unissant toutes les religions, raconte Hannelore Bartscherer. C'était la première fois que les trois grandes religions présentes à Cologne prenaient la parole ensemble en public et s'engageaient en vue de la coexistence pacifique. "Je suis profondément heureuse de constater que, grâce au projet, la confiance s'est développée entre nous", dit-elle.

 

Au cours de l'histoire, les religions ont toujours trouvé moyen de s'entendre dans cette ville en majorité catholique. Depuis des siècles, Cologne attire les pèlerins chrétiens qui viennent se recueillir devant la châsse des rois mages à la cathédrale; la ville a des racines juives très anciennes, et aujourd'hui elle abrite 120'000 femmes et hommes se réclamant de la foi musulmane.

 

Les religions sont toujours au coeur du débat public: soit que le cardinal Joachim Meisner, archevêque de Cologne, suscite la discussion par ses prises de position tranchées, soit que la construction d'une mosquée représentative provoque des protestations massives des groupements de droite, soit qu'on se dispute sur le lieu d'implantation du futur musée juif.

 

Prévenir les conflits

 

Pour prévenir les conflits, il existe depuis 2006 à Cologne un Conseil des religions, table ronde qui se réunit deux fois par an, comme l'explique Sonja Sailer-Pfister, du doyenné catholique de Cologne. "Nous voulons améliorer la communication, éclaircir les malentendus et mettre en place un système de gestion des crises", explique-t-elle. Notre modèle s'inspire d'un projet réalisé à Liverpool, ville jumelée avec Cologne.

 

L'idée de base n'est pas de mener une discussion théologique, mais d'engager le dialogue sur tous les thèmes importants de la vie quotidienne et de donner une information sur les particularités des groupes. Un calendrier des fêtes de toutes les religions a déjà été réalisé, on peut le consulter sur le portail Internet de la ville. Parmi les projets figurent un livre sur la religion à Cologne et une journée commune de la religion en 2009. Un projet de déclaration commune contre l'islamophobie est à l'étude, dit Sonja Sailer-Pfister: "Nous voulons nous attaquer aux craintes des gens."

 

Récemment, le projet de construction d'une mosquée représentative de la Ditib à Cologne-Ehrenfeld a donné lieu à des discussions passionnées. A l'heure actuelle, il y a à Cologne environ 70 mosquées, mais qui se trouvent presque toutes dans des maisons ou des arrière-cours, explique Hannelore Bartscherer. Le projet est enlisé actuellement dans le débat politique, attisé en particulier par le parti de la droite populiste ProKöln.

 

"Du point de vue juridique, nous pourrions construire la mosquée, mais, pour des raisons politiques, nous devons attendre", déclare le représentant de l'Union Ditib Hasan Karaca, du Centre de recherches sur la religion et la société, qui déplore que les articles des médias soient souvent marqués par des préjugés, comme ce fut le cas dernièrement quand un quotidien renommé a reproché aux maîtres d'oeuvre une architecture intérieure prétendument fondamentaliste.

 

Durant deux heures, l'archevêque anglican Bernard Ntahoturi, du Burundi, la théologienne orthodoxe grecque Aikaterini Pekridou, Thomas Yonker, de l'Eglise américaine des Disciples du Christ, et Janette Bächtold Ludwig, de l'Eglise évangélique de la confession luthérienne au Brésil, ainsi que le secrétaire général adjoint du COE Georges Lemopoulos et la pasteure Sabine Udodesku, du secrétariat de Genève du COE, ont pu se faire une image précise des relations interreligieuses dans la ville. Les "lettres vivantes" ont écouté, posé des questions critiques et donné des conseils.

 

L'archevêque Ntahoturi a demandé quelle était la place des chrétiens et musulmans africains dans la collaboration entre les religions à Cologne. Tant le pasteur Martin Bock, du côté protestant, que son homologue catholique Hannelore Bartscherer ont regretté que jusqu'ici les chrétiens africains n'aient pas donné suite à leurs invitations à la collaboration et vivent de manière plutôt isolée. Les musulmans africains et arabes, pour leur part, se rattachent de manière générale au Conseil central des musulmans.

 

L'archevêque Ntahoturi est revenu aussi sur les problèmes rencontrés à Cologne à l'occasion de la construction de la mosquée, et a demandé comment les choses se passaient avec les officiels musulmans qui, dans leurs pays, veulent interdire aux chrétiens de prier. Martin Bock a mentionné l'idée du cardinal archevêque de Cologne, bonne selon lui, d'obtenir des officiels turcs, en échange de la construction d'une mosquée à Cologne, la permission de construire un centre pour pèlerins et une église Saint-Paul à Tarse, en Turquie.

 

Gertrud Casel, de la Commission justice et paix allemande, s'est opposée à l'idée qu'on impose des conditions dans d'autres pays pour qu'une mosquée soit construite à Cologne. "En Allemagne, nous voulons la liberté religieuse pour tous", a-t-elle affirmé.

 

Georges Lemopoulos a recommandé de regarder plus loin en matière de lutte contre l'islamophobie. Il est intéressant de parler de cela avec les chrétiens vivant dans des pays musulmans. "Il y a là-bas des modèles réussis de collaboration que nous pourrions copier - et naturellement aussi des modèles que nous devrions éviter", a déclaré le secrétaire général adjoint du COE. Il a remercié les habitantes et habitants de Cologne de leur ouverture d'esprit, en soulignant que le thème du dialogue interreligieux occupe une place prioritaire dans l'ordre du jour du COE.

 

(*) Carmen Molitor travaille comme journaliste libre à Cologne, notamment pour l'agence de presse catholique KNA et le Reader's Digest Allemagne.

 

 

Informations complémentaires sur la Décennie "vaincre la violence"

 

Visite des "lettres vivantes" en Allemagne

 

Programme du COE pour le dialogue interreligieux

 

Projet "Sais-tu qui je suis?" (en allemand et en anglais)

 

Eglises membres du COE en Allemagne (en anglais)