Les chrétiens palestiniens veulent une lampe de la paix dans chaque église
Par Emma Halgren (*)
Même si l'effectif de sa population diminue, le village palestinien de Taybeh lutte pour maintenir la normalité au cœur du conflit, l'espérance au cœur de l'oppression.
Taybeh, à 14 kilomètres au nord-est de Ramallah, est l'un des quelques villages à prédominance chrétienne en Palestine. Comme bien des villages de Cisjordanie, il souffre du fait que beaucoup de ses habitants décident d'émigrer, car ils ne voient pas d'autre possibilité de résoudre les difficultés économiques et matérielles auxquelles ils sont confrontés sous l'occupation israélienne.
Dans les années 1960, la ville comptait 3400 habitants. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 1300. Le taux de chômage est d'environ 50 pour cent.
Mais, pour le père Raed Abusahlia, prêtre de l'Eglise latine (catholique romaine) de Taybeh, ces sombres perspectives ne font qu'ajouter à l'urgence des efforts nécessaires pour aider la population locale à prendre en main son destin spirituel et économique, comme il l'a expliqué à une délégation œcuménique en visite au village en mars.
La délégation – une équipe de "Lettres vivantes" voyageant au nom du Conseil œcuménique des Eglises (COE) – se trouvait à Taybeh dans le cadre d'une visite en Israël et en Palestine effectuée du 7 au 14 mars, durant laquelle elle a rencontré des représentants d'Eglises, d'organisations œcuméniques et de groupes de la société civile.
Il y a trois paroisses dans le village de Taybeh – orthodoxe grecque, grecque melkite catholique et catholique romaine. Les paroisses célèbrent le culte ensemble à Pâques et à Noël, et toutes sont activement engagées dans des projets locaux.
La paroisse latine gère une école, un centre médical et un foyer d'hébergement pour pèlerins; elle assure les nombreux services attendus de l'Eglise et anime des activités de jeunesse. Tous ces projets visent à donner aux gens des motifs d'espérance et une raison de rester à Taybeh, dit le père Abusahlia.
Son initiative des lampes de la paix se sert d'un produit local disponible en abondance – l'huile d'olive – pour promouvoir la paix et la justice en Terre Sainte. Les lampes sont produites dans un atelier à Taybeh, où travaillent une vingtaine de jeunes hommes et femmes.
L'objectif est de placer une lampe de la paix, garnie d'huile d'olive et d'une petite bougie, dans chaque église du monde et, de cette manière, d'encourager la prière et la solidarité avec le peuple palestinien. Le produit de la vente des lampes va à des œuvres d'entraide telles que le centre médical Caritas ou la maison Beit Afram, foyer pour personnes âgées de Taybeh.
Une cinquantaine de jeunes âgés de 5 à 15 ans chantent dans le chœur paroissial des jeunes. Celui-ci a sorti un CD intitulé With One Voice et, en 2006, huit enfants du chœur ont participé à un tour de France musical en donnant 14 concerts dans tout le pays.
Environ 100 groupes de pèlerins visitent Taybeh chaque année. Le père Abusahlia explique que les visiteurs peuvent jouer un rôle important pour détruire les clichés qui existent à propos d'Israël et de la Palestine.
"Il appartient à tous les chrétiens du monde de maintenir la présence chrétienne en Terre Sainte, dit-il. Les gens qui viennent nous rendre visite peuvent voir que Taybeh est un lieu de paix. Nous les encourageons à parler de Taybeh à leurs amis et à leur famille dans leur pays, et à promouvoir des produits tels que nos lampes de la paix. C'est le meilleur signe de solidarité qu'ils puissent manifester à notre égard."
Selon Nancy Adams, de l'Eglise épiscopale d'Ecosse, membre de l'équipe des "Lettres vivantes", la lampe de la paix qu'elle a ramenée de Taybeh est un puissant symbole de paix en même temps qu'un rappel du courage des gens qu'elle a rencontrés là-bas. Elle a déjà eu l'occasion de parler de son expérience à Taybeh avec des groupes liés à l'Eglise en Ecosse, en ordonnant sa réflexion autour de la lampe de la paix.
"Je leur ai parlé des problèmes que j'ai entendus, vus et vécus. Mais j'ai aussi partagé avec eux la joie des activités mobilisatrices qui se poursuivent à Taybeh", ajoute-t-elle.
"Un autre message que j'ai ramené de Taybeh est que les chrétiens, les musulmans et les juifs qui travaillent si désespérément pour la paix dépendent de la communauté internationale pour raviver la flamme de la paix et de la justice en faveur de la population de Palestine et d'Israël."
Déterminés à vivre en paix
David Khoury, maire de Taybeh, continue à penser qu'une coexistence pacifique entre Israéliens et Palestiniens est possible.
David Khoury est aussi cofondateur de la brasserie de Taybeh. Seule brasserie de Palestine, elle a été créée en 1995 et produit aujourd'hui aussi sous licence en Belgique, d'où elle exporte à destination des marchés européens. En 2007, elle a lancé une bière sans alcool. Chaque année, la brasserie organise une "Oktoberfest" dans le cadre de laquelle elle accueille des musiciens et danseurs locaux.
Le maire de Taybeh explique que les affaires sont stables actuellement, mais qu'il y a eu des moments difficiles – en particulier après le début de la deuxième intifada, quand les affaires se sont pratiquement arrêtées.
Les routes fermées et les postes de contrôle sont une réalité quotidienne et, alors que les produits israéliens, y compris la bière, affluent en Cisjordanie en franchise d'impôts, les produits d'exportation palestiniens attendent souvent des heures aux postes de contrôle avant d'être renvoyés, ce qui signifie que les producteurs ne peuvent attendre aucune recette ce jour-là.
David Khoury et son frère Nadim – tous deux nés à Taybeh – vivaient depuis 20 ans à Boston quand ils décidèrent de rentrer en Palestine pour monter la brasserie.
"Nous sommes revenus à Taybeh parce que nous voulions apporter notre contribution à l'économie locale, explique David Khoury. La Palestine n'avait jamais eu sa propre brasserie jusqu'ici – nous voulions fournir de la bière locale à la population et aux voyageurs visitant notre région. Aujourd'hui, des touristes viennent chaque jour à Taybeh. Nous sommes fiers de ce que produit notre petit village." |
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Le maire se montre réaliste à propos des défis auxquels son village est confronté: "Très bientôt, les églises de Taybeh seront vides, dit-il. Dès l'instant où les gens ont une chance de partir, ils s'en vont. Ils en ont assez de la situation actuelle."
Néanmoins, il espère que des activités telles que la brasserie peuvent susciter une certaine espérance parmi les habitants de la région: "Le peuple palestinien vit d'espérance. Nous sommes décidés à vivre en paix, et nous voulons rester en Terre Sainte."
(*) Emma Halgren, stagiaire à la Communication du COE, est membre de l'Eglise unifiante d'Australie.
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Eglises membres du COE en Israël/Palestine
Semaine mondiale pour la paix en Palestine Israël, du 4 au 10 juin 2009