Un pasteur témoigne des tortures qu'il a subies aux Philippines
Ce que dit le gouvernement philippin concernant son prétendument bon bilan en matière de droits de la personne est "complètement faux", a affirmé cette semaine le pasteur Berlin Guerrero au Comité contre la torture des Nations Unies. Lui-même victime de la torture, le pasteur Guerrero a déclaré que le gouvernement de Gloria Macapagal Arroyo néglige "sa responsabilité d'empêcher la torture".
Berlin Guerrero, pasteur de l'Eglise unie du Christ aux Philippines, a affirmé que "les gens d'Eglise ne sont pas épargnés par la torture." Il a ajouté : "La plupart des victimes de la torture parmi les fidèles sont des membres d'Eglises du Conseil national des Eglises des Philippines, et je fais partie de ceux qui ont été pris pour cible."
Selon l'organisation de défense des droits de l'homme Karapatan (Alliance pour l'avancement des droits du peuple), entre 2001 et 2008, on a recensé 1 010 victimes de tortures aux Philippines. Au cours de la même période, les exécutions extrajudiciaires ont été au nombre de 991.
Le pasteur Guerrero s'exprimait devant la 42e session du Comité contre la torture des Nations Unies, réunie à Genève, en Suisse, cette semaine, afin d'examiner le bilan des Philippines et d'autres pays en matière de droits de la personne. Son intervention était soutenue par la Commission des Eglises pour les affaires internationales du Conseil oecuménique des Eglises (COE).
Le pasteur a été enlevé le 27 mai 2007 sous les yeux de sa famille, peu après le culte dominical à la paroisse de l'Eglise unie du district de Malaban, à Biñan. "Aucun mandat d'arrêt n'a été présenté, malgré notre insistance et nos protestations", s'est-il souvenu dans son discours adressé au comité onusien.
Après "un an, trois mois et quinze jours", il a été relâché en raison du "manque de preuves" retenues contre lui. "Le fait d'avoir subi ce type de persécutions m'a renforcé et confirmé dans ma foi", a-t-il expliqué. "Quand j'étais retenu, j'étais heureux de pouvoir servir la communauté carcérale en mettant en place un ministère chrétien pour mes codétenus."
Lorsqu'il s'est rendu dans les bureaux du COE à Genève le 28 avril, le pasteur Guerrero a été accueilli par le pasteur Samuel Kobia, secrétaire général du COE. A l'occasion d'une visite aux Philippines en novembre 2007 à la tête d'une délégation internationale, le pasteur Kobia s'était joint à la campagne de soutien au pasteur Guerrero, appelant publiquement à sa libération.
Selon le pasteur Guerrero, grâce à une campagne internationale dans laquelle les Eglises ont joué un rôle crucial, les exécutions extrajudiciaires ont connu un ralentissement aux Philippines. Cependant, "avec les élections générales prévues pour 2010, elles connaissent une recrudescence, une personne étant tuée chaque semaine en moyenne", a-t-il affirmé.
"Le COE continuera à soutenir les efforts des défenseurs des droits de la personne aux Philippines", a déclaré Samuel Kobia au pasteur Guerrero, qui était accompagné de la secrétaire générale de Karapatan, Marie Hilao-Enriquez, et de Raymond Manalo, une autre victime de la torture.
Le supplice d'un paysan
Raymond Manalo, 27 ans, paysan à San Ildefonso, dans la province de Bulacan, au nord du pays, a été enlevé avec son frère Reynaldo le 14 février 2006. Il a été retenu pendant 18 mois dans trois centres de détention secrets au sein de camps militaires.
"Les soldats nous battaient avec des planches sur le dos et à d'autres endroits sur le corps, ils nous frappaient à coups de chaînes, ils nous brûlaient sur tout le corps avec des cigarettes et du métal chauffé à blanc, ils nous donnaient des coups de pieds avec leurs bottes militaires, ils nous cognaient avec la crosse de leur fusil, ils ont versé de l'essence sur ma taille et mes jambes en menaçant me m'incendier", a expliqué Raymond Manalo au Comité contre la torture.
Il a vu "des soldats exécuter sommairement des civils qu'ils accusaient d'être des rebelles ou de venir en aide aux rebelles" et d'autres captifs se faire torturer. Après avoir reconnu les accusations de ses ravisseurs, les tortures se sont atténuées et il a été réduit au travail forcé.
Raymond Manalo s'est échappé avec son frère en août 2007. Avec l'aide d'organisations des droits de la personne, il a pu bénéficier d'un Recurso de Amparo - un recours juridique destiné aux victimes d'exécutions extrajudiciaires ou de disparitions forcées - et en septembre 2008 il a lancé une procédure pénale à l'encontre des membres de l'armée qu'il avait réussi à identifier parmi ses tortionnaires.
"Je ne souhaite ce supplice à personne. Je veux que les exécutions extrajudiciaires, les disparitions et la torture cessent dans mon pays […] J'espère que la présidente Gloria Arroyo mettra fin à l'impunité", a déclaré Raymond Manalo au Comité de l'ONU.
Travail du COE sur les droits de la personne
Eglises membres du COE aux Philippines
42e session du Comité contre la torture de l'ONU