18.02.05 10:50 Il y a: 7 yrs

La sexualité : un sujet de conversation au COE

 

Le difficile sujet de la sexualité, qui sépare autant les Eglises entre elles qu'il les divise à l'intérieur, a été mis officiellement au programme des discussions du COE pendant l'assemblée de Harare (1998). Longtemps tabou, mal ou pas du tout abordé, il était arrivé sur le devant de la scène, poussé par des événements concernant plusieurs Eglises, et une multiplicité de témoignages venus de partout dans le monde.

 

Mandat fut donc donné à un groupe de référence de chercher une approche oecuménique aux problèmes liés à la sexualité, liant anthropologie chrétienne, herméneutique biblique, éthique, culture – et de créer un espace de dialogue oecuménique sûr – et sécurisant - sur ce sujet, autorisant une approche d'une qualité nouvelle. Le centre oecuménique de Bossey fut choisi et trois séminaires d'une vingtaine de participants seulement ont été organisés (2001, 2002 et 2003) pour permettre une première prise de parole vraiment libre.

 

Le Groupe de Référence a rendu compte ce jeudi matin de ses travaux depuis sa création à l'issue de l'assemblée générale de Harare. Il a d'abord dessiné une sorte d'état des lieux, en partant de la vision chrétienne de la sexualité : les êtres humains sont des êtres sexués. La sexualité est une réalité belle, un don de Dieu à l'humanité. Mais nous avons besoin d'être guidés dans notre utilisation du corps humain et de la sexualité. Nous ne pouvons plus dire que ce problème ne concerne pas nos Eglises ; le silence des Eglises a en particulier des conséquences sur l'actuelle expansion de l'épidémie de VIH/sida.

 

Préjugés sexistes, harcèlement sexuel, viols de femmes ou d'enfants, pédophilie, inceste, abus sexuels commis par des membres du clergé, problèmes liés à l'homosexualité et à l'homophobie dans les Eglises comme dans la société dans son ensemble, excès d'une information et d'une communication de masse qui stimule de façon irresponsable les besoins sexuels sans éduquer le moins du monde à la responsabilité dans ce domaine... Les Eglises sont dans l'ensemble mal équipées face à tous ces problèmes, et les centres de formation théologique proposent peu de resources. C'est un sujet difficile, sur lequel la réflexion honnête et réaliste est coûteuse : il parait souvent préférable de rester silencieux...

 

A Harare, le pasteur K. Raiser, ancien secrétaire général, avait lancé un appel pour que les Eglises fassent parvenir au groupe de référence tout document ou analyse susceptible de l'intéresser sur le sujet. Plus de 80 textes ont ainsi été reçus et analysés par le Groupe, en provenance du monde entier – mais essentiellement d'Occident, nettement moins des pays du Sud : parce qu'il existe moins de documents sur le sujet dans les pays du Sud ? Ou alors à cause d'une tendance, en particulier en Asie et en Afrique, de considérer les problèmes sexuels comme "élitistes" et "occidentaux" ? Nettement moins de textes aussi en provenance des Eglises orthodoxes : sans doute parce qu'elles n'aiment guère parler de sexualité du point de vue de l'individu, de ses droits et devoirs.

 

Curieusement, les conséquences de la mondialisation dans ce domaine (traite des femmes et des enfants, tourisme sexuel, pandémie de VIH/sida) étaient quasiment absentes des documents reçus. Mais presque tous signalaient une rupture entre la position traditionnelle des Eglises et la réalité "du terrain". La grande majorité concluait avec humilité en reconnaissant avoir besoin de réfléchir encore....

 

Ces études reflètent une grande diversité d'opinions, due en particulier à la diversité des interprétations de la Bible, et à la diversité de son statut dans les Eglises : autorité de la Bible seule ? ou de la Bible complétée par la Tradition ? autorité supérieure du Nouveau Testament par rapport à l'Ancien ?

 

On remarque aussi l'absence de référence à la Trinité, sauf dans quelques rapports en provenance des orthodoxes, et pourtant la communion dans la diversité qui caractérise la relation trinitaire est un modèle qui peut apporter beaucoup au problème de la sexualité pris dans son ensemble. Absence aussi de référence eschatologique, alors que dans la communion eschatologique, ce qui déterminera notre identité ne sera pas notre sexualité, mais notre réponse aux initiatives aimantes de Dieu, en qui la sexualité est transcendée.

 

La réflexion sur la sexualité concerne la personne tout entière, elle n'a pas à être réduite à l'un ou l'autre de ses aspects plus "problématiques" (homosexualité, avortement). Bien souvent le débat est idéologiquement orienté, ce qui empêche de considérer d'abord la personne dans son mystère, la personne comme image de Dieu, a rappelé le Père Leonide Kishkovsky (Eglise orthodoxe en Amérique, membre du Groupe de Référence), qui a plaidé pour davantage de spiritualité, et moins d'idéologie... Nous sommes tous appelés à la sainteté, a-t-il rappelé. Guérir, réconcilier... l'espoir est que d'échanges respectueux, fraternels (sorte de premiers pas sur la méthode du consensus) sortiront des idées qui seront rapportées aux Eglises, des idées qui serviront de base à la discussion sur la sexualité à Porto Alegre en 2006.

 

Le dialogue est donc engagé, avec modestie, dans le respect et l'écoute attentive des opinions des autres. Il va se poursuivre dans les Eglises pendant un an, jusqu'à se développer sur une plus grande échelle à Porto Alegre. Même alors, il ne s'agira pas de prendre de décision, ni de trancher, fût-ce par consensus. Un long processus de réflexion et d'écoute se met en place – dont le cheminement est au moins aussi enrichissant que son aboutissement éventuel.

 

Davantage d'informations sur les Eglises reçues au COE :

www.oikoumene.org > Central Committee > Fra