Prières avec des rescapés sur le site d'un charnier au Nigeria
Ce fut une expérience profondément émouvante, pour la délégation de Lettres vivantes envoyée au Nigeria par le Conseil œcuménique des Eglises (COE), que de se rassembler pour prier autour d'une fosse commune située à Dogonahawa, près de Jos, dans l'Etat du Plateau. Environ 323 habitants des alentours tués en mars dernier y sont enterrés.
Début mars, 501 personnes - essentiellement des femmes et des enfants de deux villages voisins, Dogonahawa et Bukuru - ont été tués dans leur sommeil lors d'un déferlement de violence communautaire et ethnique.
Dogonahawa est un hameau d'une centaine de maisons regroupées en cercle. Il se trouve à seulement 11 km de Jos, la capitale de l'Etat du Plateau, dans le centre du pays. Les vestiges des affrontements sont encore présents autour des gens. La communauté s'est réduite à un village fantôme où seule une poignée de gens vit encore.
Certains des villageois qui ont accueilli l'équipe de Lettres vivantes dans leur village dévasté ont affirmé que la vie n'est plus la même pour eux depuis ces événements tragiques.
Les Lettres vivantes sont de petites équipes œcuméniques qui se rendent dans un pays pour écouter, apprendre, partager des perspectives et aider à faire face aux problèmes afin de vaincre la violence, promouvoir la paix et prier pour elle. Une de ces équipes a effectué une tournée au Nigeria du 15 au 20 mai.
La délégation s'est également rendue dans la ville de Bukuru, tout près de là, qui était également désertée. Un marché entier y a été incendié et des centaines de maisons et de magasins ont été détruits. Les locaux des autorités locales ont également été rasés. Les travaux de reconstruction n'ont pas encore commencé dans la plupart des quartiers affectés à Bukuru.
La plupart des membres de la délégation n'ont pas pu cacher leur peine en rencontrant les hommes, femmes et enfants qui ont perdu des êtres chers. L'équipe a offert ses prières sur le site du charnier, où étaient présents de nombreux proches des victimes.
Le représentant de la communauté, David Jik, a déclaré à la délégation de Lettres vivantes qu'il a perdu ses enfants et ses petits-enfants au cours des violences. Une femme de 60 ans, Kumbo Chuwang, qui a été mutilée pendant les violences, a expliqué en pleurant comment on s'en est pris à elle et sa famille. Un adolescent nommé Tebita Danjuma a montré son corps, brûlé dans l'incendie déclenché pour détruire les maisons du hameau.
L'évêque anglican du diocèse de Bukuru, Jwan B.N. Zhumbes, qui a accompagné l'équipe dans les villages, a déclaré que plusieurs fidèles de son Eglise ont péri dans les violences mais que de nombreux autres ont réussi à s'échapper et à s'installer ailleurs après la crise.
L'archevêque Michael Kehinde Stephen, chef du Conseil chrétien du Nigeria, qui a accueilli la visite de l'équipe de Lettres vivantes, a évoqué le projet en cours d'élaboration par les communautés locales d'édifier un cénotaphe sur le site de la fosse commune.
Plus tôt dans la journée, l'équipe s'était rendu au Centre pour l'avancement de la paix au Nigeria (CEPAN), une organisation interreligieuse basée à Jos. Lantana Abdullahi, une musulmane qui est directrice des programmes du Centre, a déclaré que son organisation travaillait, surtout auprès des jeunes, à veiller à ce que les différentes communautés ethniques et religieuses vivent en harmonie.
Le président de la section de l'Etat du Plateau de l'Association chrétienne du Nigeria, l'archevêque catholique romain Ignatius Kaigama, a accueilli la délégation en déclarant que Dieu souhaite que nous soyons unis. Il a ajouté que l'impression selon laquelle les chrétiens et les musulmans de l'Etat se battent les uns contre les autres est erronée. "Ce ne sont pas les religions qui se battent, mais certaines personnes qui en font partie. Il n'y a pas de guerre entre les deux religions", a-t-il affirmé.
La délégation de Lettres vivantes a été reçue au siège de l'Eglise du Christ au Nigeria (COCIN). Dans un discours prononcé devant les délégués au 74e Conseil général de la COCIN, l'évêque ghanéen Robert Aboagye-Mensah a déclaré que les chrétiens doivent œuvrer à la paix et à la réconciliation même lorsqu'ils ont été offensés.
L'évêque Aboagye-Mensah, qui est le vice-président de la Conférence des Eglises de toute l'Afrique (CETA) et membre du Comité central du COE, s'est demandé si les chrétiens de l'Etat avaient écouté ce que Dieu disait face aux destructions dans lesquelles ils se sont retrouvés.
Ainsi a-t-il demandé: "Entendons-nous la voix de Dieu? Que nous dit Dieu?" Selon lui, "les chrétiens sont mis en demeure d'œuvrer pour la paix. La paix et la réconciliation commencent avec nous. L'offensé doit entamer le processus de réconciliation et de paix."
Le pasteur Pandang Yamsat, président de la COCIN, a affirmé l'engagement des fidèles de son Eglise à travailler pour la paix dans les régions troublées, une tâche qu'il considère comme un témoignage prophétique de l'Eglise.
La délégation de Lettres vivantes était composée de représentants d'Eglises et de membres du personnel du COE originaires des pays suivants: Allemagne, Ethiopie, Finlande, Ghana, Inde, Kenya, Norvège et Suisse.
(Reportage depuis Jos de Gbenga Osinaike, éditeur du Church Times de Lagos, Nigeria)
Eglises membres du COE au Nigeria
Visite de Lettres vivantes au Nigeria