Regards sur la paix juste et invitation à former une "vague de paix"
"Pour nous autres, Eglises, chrétiennes et chrétiens, l'engagement en faveur de la paix nous est donné au berceau – pour ne pas dire déposé dans la crèche", a déclaré l'évêque Martin Schindehütte, chef du Département de l'œcuménisme et des relations extérieures de l'Eglise évangélique d'Allemagne (EKD), lors de la journée de préparation au Rassemblement œcuménique international pour la paix (ROIP) de 2011, dans le cadre du Second Kirchentag (convention d'Eglise) œcuménique qui s'est tenu à Munich.
Le 14 mai, le Forum "Instaurer la paix" a permis aux participants et participantes au Kirchentag œcuménique de suivre un débat réunissant des pacifistes, des politiques, des évêques et des représentant-e-s du Conseil œcuménique des Eglises, consacré aux divers aspects de la "paix juste", notion qui sera au centre du Rassemblement œcuménique international pour la paix organisé par le COE en mai 2011 à Kingston, Jamaïque.
La notion de "paix juste" s'oppose à celle de "guerre juste", selon laquelle il est justifié de faire la guerre dans certaines circonstances.
Dans le cadre du débat, la crainte d'assister à la réhabilitation de la guerre a été exprimée par l'évêque catholique romain de Fulda Heinz Josef Algermissen, président de Pax Christi Deutschland, qui a posé la question "Comment instaure-t-on la paix?" et a constaté qu'il n'y a "pratiquement aucune discussion à ce sujet dans la société".
Evoquant l'Afghanistan, il a déclaré: "Nous ne pourrons pas édifier de paix tant que persiste la violence structurelle", avant de poser la question: "Comment édifier la justice en Afghanistan?" pour conclure qu'on ne pourra pas édifier la justice aussi longtemps qu'on consacrera à cette tâche bien moins de moyens financiers qu'à la poursuite de la guerre.
La sécurité sans la paix devient l'oppression
Le pasteur Nikolaus Schneider, président du Conseil de l'EKD, a ajouté que l'armée ne peut instaurer la paix, car "la paix est autre chose que la sécurité". Certes, il ne peut y avoir de paix sans sécurité, "mais la sécurité sans la paix devient l'oppression".
Le pasteur Olav Fykse Tveit, secrétaire général du COE, a déclaré que la notion de paix juste peut s'appliquer à d'autres contextes que celui du débat sur l'Afghanistan qui se déroule actuellement en Allemagne, citant notamment la violence en République démocratique du Congo ou le conflit entre Israël et les Palestiniens.
Il estime que les Eglises d'Allemagne ont une contribution notable à apporter, car leur propre histoire leur a enseigné qu'il est essentiel de respecter les droits de la personne, ce qui leur permet de comprendre les problèmes des Palestiniens. En outre, elles sont conscientes de la responsabilité spécifique des chrétiens à l'égard des juifs, avec lesquels elles entretiennent des rapports empreints de considération: "Les Eglises allemandes peuvent comprendre pourquoi ce conflit est si difficile à résoudre, mais aussi qu'il doit être résolu."
La paix dans la vie quotidienne, sur le marché et avec la Terre
La paix entre les peuples ne constitue qu'un élément de la notion de paix que les Eglises ont élaborée au cours de la Décennie "vaincre la violence" (2001-2010). Pour instaurer durablement cette paix globale, il est nécessaire d'éduquer à la coexistence pacifique dans la vie quotidienne et de mettre fin à la violence que constituent des structures économiques fondées sur l'exploitation, ainsi qu'à nos rapports destructeurs avec la création.
Le pasteur Schneider a cité à titre d'exemple le succès rencontré par le commerce équitable, qui a débuté modestement par la vente de quelques produits à la sortie des cultes et qui, entre-temps, s'est fait une place dans la société.
Au sujet de la formation à la paix, Nicolau Jemusse Luis, responsable du programme "Transformer les fusils en socs" du Conseil chrétien du Mozambique, a déclaré: "Je voudrais vous lancer un défi: cessons d'acheter des jouets guerriers à nos enfants et recueillons tous les jouets et jeux de ce type pour les détruire."
Cet appel a reçu le soutien de Gisela Mayer, porte-parole de la campagne "Amoklauf Winnenden": sa fille enseignait au collège de Winnenden (Allemagne), où un élève a ouvert le feu sur de nombreux étudiants en mars 2009; avec d'autres parents de victimes de ce coup de folie, elle a fondé un mouvement pour réclamer que les enfants grandissent dans un milieu plus pacifique.
"Quelle sorte de créatures sommes-nous pour considérer qu'apprendre à tuer efficacement constitue une forme de loisir et de sport?" a-t-elle demandé, avant d'ajouter: "De quoi nos enfants ont-ils besoin pour ne plus avoir besoin de violence?" Dans la perspective du ROIP, Gisela Mayer espère que les Eglises "diront à haute et intelligible voix que les efforts en faveur de la paix ne prendront jamais fin et qu'il faut les poursuivre jour après jour."
Les diverses expériences vécues par les Eglises dans le domaine de la promotion de la paix au cours de la Décennie "vaincre la violence" serviront de base à la rédaction d'une "Déclaration sur la paix juste".
"Ce texte représente une tentative de conserver l'acquis", a affirmé le pasteur Konrad Raiser, ancien secrétaire général du COE et coordinateur du groupe de rédaction international, ajoutant que la Décennie, lancée à Berlin en 2001, a pour objectif de "faire passer l'espérance de paix de la périphérie de la vie des Eglises au centre de celles-ci".
Une vague de prières pour la paix autour du monde
Le Forum de Munich sur la paix s'est terminé sur l'invitation à participer, en mai 2011, à une vague mondiale de prières pour la paix. Lors de la soirée liturgique placée sous la devise "Gloire à Dieu dans les cieux et paix sur la terre", l'évêque Schindehütte a invité à suivre l'exemple des bergers de Bethléem et à se mettre en route pour porter le message de paix le dimanche 22 mai 2011, où que l'on se trouve, à Kingston ou ailleurs.
Ce jour-là, les paroisses du monde entier sont invitées à prier pour la paix. "De la Jamaïque partira une vague – non pas une ola mais une vague ora et labora: ensemble, nous voulons prier pour la paix et travailler à l'instaurer", a déclaré l'évêque Schindehütte.
L'invitation ainsi lancée – non seulement aux Eglises membres du COE mais aussi à l'Eglise catholique romaine en Allemagne – à participer à ces prières pour la paix a été favorablement accueillie par l'archevêque Robert Zollitsch, de Fribourg-en-Brisgau, qui a l'intention d'en discuter avec les membres de la Conférence épiscopale, dont il est le président.
Rassemblement œcuménique international pour la paix
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