Donne-nous notre pain de ce jour
Paix sur le marché
La parabole des ouvriers dans la vigne (TOB)
Un deuxième récit – Donne-nous notre pain de ce jour
A 5 heures du matin – il fait encore nuit – un groupe de travailleurs migrants commencent à se rassembler sur la place de la gare d'Ansan. A 5 heures et demie, pas moins de 100 travailleurs y sont rassemblés. A 6 heures, un minibus arrive, un homme sélectionne dix ouvriers et s'en va avec eux. Dix minutes plus tard, un autre minibus arrive, en prend cinq et s'en va. Aucun minibus n'arrive plus, mais les gens ne quittent pas la place avant 9 heures du matin.
La plupart des gens qui avaient espéré "leur pain quotidien" s'en retournent alors chez eux. Cinq ou six personnes ouvrent leur valise et se commencent à vendre de petits souvenirs de leur pays d'origine. Trois ou quatre autres se mettent à mendier. Environ dix hommes restent là sur la place. Certains sont éblouis par le soleil, d'autres soupirent.
En Corée, il y a près d'un million de travailleurs migrants. La plupart d'entre eux travaillent dans des emplois dits des "3D", ce qui signifie sale [en anglais: "dirty"], difficile (physiquement) et dangereux. La majorité d'entre eux travaillent comme manœuvres dans la construction. Cependant, à cause de la crise mondiale de 2009 et de l'effondrement du marché immobilier, un grand nombre d'entre eux n'ont pas de travail quotidien. Pour eux "Donne-nous notre pain de ce jour" n'est pas seulement une demande du Notre Père, ou une phrase de la liturgie, c'est une affaire de vie ou de mort.
Questions d'introduction
1. De quoi s'agit-il dans la parabole des ouvriers dans la vigne?
2. Combien de fois le propriétaire est-il allé embaucher des ouvriers?
3. Pourquoi ces travailleurs étaient-ils encore sur la place sans rien faire à la onzième heure? Qui sont ceux qui sont retournés à la maison, et ceux qui sont restés, et pourquoi?
4. A combien se monte le salaire journalier d'un ouvrier non spécialisé ordinaire dans votre contexte (l'équivalent d'un denier, ou pièce d'argent, à l'époque de Jésus)? Quel est le salaire journalier minimum dans votre pays?
5. Veuillez remplir le formulaire suivant:
| Heure de l'embauche | Heure de la fin du travail | Heures de travail | Salaire attendu selon les heures de travail | Salaire réellement versé par le propriétaire |
1 | De grand matin (6:00) | 18:00 | 12 heures | 1 denier (10 as) | 1 denier (10 as) |
2 | Troisième heure (9:00) | 18:00 |
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3 | Sixième heure (12:00) | 18:00 |
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4 | Neuvième heure (15:00) | 18:00 |
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5 | Onzième heure (17:00) | 18:00 |
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6. Pourquoi les hommes embauchés en premier se plaignent-ils à la fin de la journée? Accepteriez-vous ce salaire si vous étiez l'une des personnes ayant travaillé douze heures? Qu'est-ce qui est le plus difficile: travailler dans la vigne, ou attendre d'être embauché dans le marché du travail journalier?
Denier (pièce d'argent)
Dans le système monétaire de Rome, le denier (denarius, au pluriel: denarii) était une petite pièce d'argent, frappée pour la première fois en 211 avant JC. C'était la pièce la plus courante destinée à circuler, mais elle a été peu à peu remplacée par l'antoninianus. Le mot "denier" (denarius) vient du mot latin dēnī, "dix fois", parce qu'à l'origine, il valait dix as. Son pouvoir d'achat au temps de Jésus, comparé au prix du pain, a été estimé à 20 dollars EU. Selon les historiens, le salaire journalier d'un travailleur non spécialisé ou d'un simple soldat dans l'empire romain était d'un denier, sans impôts. (En comparaison, le salaire minimum d'un travailleurs aux Etats-Unis, en 2005, était de 58 dollars EU bruts, c'est-à-dire avant de payer ses impôts, pour une journée de 8 heures.)
Paraboles
Comment comprenons-nous les paraboles de Jésus? Nous nous servons souvent de paraboles lorsque nous essayons d'expliquer quelque chose de manière simple et facile à comprendre dans l'enseignement moral ou religieux. Dans les évangiles synoptiques, les paraboles sont la principale méthode d'enseignement de Jésus. Près d'un tiers de ses enseignements étaient en paraboles, notamment lorsqu'il rencontrait des foules qui étaient en majorité analphabètes. Les paraboles de Jésus sont des récits simples, dont on se souvient facilement. Cependant, même si elles sont simples et aisément compréhensibles, leur signification est profonde et met en lumière les valeurs essentielles du Royaume de Dieu. C'est pourquoi chaque parabole exige une lecture et une interprétation attentives.
La parabole de la vigne
La parabole des ouvriers dans la vigne que raconte Jésus sert à donner un enseignement au sujet du Royaume de Dieu (verset 1). Elle se situe dans un contexte de chômage massif. De nombreux travailleurs se tenaient sur la place du marché, sans emploi (vv. Quand le propriétaire de la vigne leur demande: "Pourquoi êtes-vous resté là tout le jour sans travail?" (v. 6), ils répondent: "C'est que personne ne nous a embauchés" (v. 7).Certains riches et politiciens prétendent que les pauvres sont pauvres parce qu'ils sont paresseux. Mais ici, nous sommes face à une foule de travailleurs qui n'ont pas la possibilité de trouver un emploi, malgré leur désir de travailler!
La question suivante concerne le salaire équitable. Même dans le cas de travailleurs pouvant travailler 365 jours par année, un denier par jour n'aurait pas suffi à assurer le salaire minimum actuel. C'était moins de la moitié, et les ouvriers auraient dû travailler presque 24 heures par jour pour gagner le salaire minimum. En outre, pour des personnes qui n'ont du travail quotidien que six mois par année, un denier est-il un salaire suffisant?
Il semble que les premiers engagés jouissaient de privilèges permanents. Les derniers n'avaient aucune ressource de base, notamment une formation, leur permettant de gravir les échelons socio-économiques. C'est dans ce contexte que Jésus a enseigné par cette parabole ce que signifie une économie juste dans le Royaume de Dieu.
Premièrement, l'économie juste du Royaume de Dieu implique des chances égales. Dans la parabole, le propriétaire a embauché des ouvriers à quatre reprises. Dans la prophétie hébraïque, la vigne représente habituellement le peuple de Dieu et le "propriétaire" est Dieu (cf. Esaïe 5,7). L'économie du Royaume de Dieu offre à tous des chances de travail égales, afin qu'ils puissent vivre et réaliser les dons qu'ils ont reçus de Dieu.
Deuxièmement, il s'agit d'une distribution équitable, fondée sur les besoins. Qu'ils aient travaillé douze heures ou une seule heure, tous ont reçu un denier, qui leur permet d'acheter le pain quotidien de leur famille. Evidemment, ce n'est pas juste! Il n'y a pas de critères pour cette rémunération, qui ne se base ni sur la quantité, ni sur la qualité du travail fourni. Cependant, si nous considérons qu'un denier est le salaire minimum de survie, c'est compréhensible.
Troisièmement, "Ne nous soumets pas à la tentation"! Pour les gens qui avaient travaillé pendant douze heures, le calcul était à rebours du bon sens (12).C'était une rémunération totalement inacceptable et injuste. Pendant la récente crise financière mondiale, on a vu le scandale des millions de dollars versés aux employés de la finance à Wall Street ou à la City de Londres. La direction de la banque UBS a justifié cette cupidité en la disant inévitable si l'on veut pouvoir engager des directeurs financiers de haute qualité. Les gens qui ont créé cette crise ont porté différent masques et se présentent maintenant comme capables de résoudre les problèmes. C'est pourquoi, selon les lois de l'économie que nous connaissons aujourd'hui, les premiers seront toujours les premiers et les derniers resteront éternellement les derniers.
Nous vivons dans une société de concurrence où tout se mesure en chiffres. On classe même les êtres humains selon qu'ils sont les premiers ou les derniers, les plus grands ou les moins importants. Posséder plus que les autres et accumuler d'énormes richesses devient la seule mesure de sécurité dans un marché sans Dieu. Les tentations de la richesse excessive et de la cupidité sont partout à l'affût sur le marché. Dans la logique du marché, il n'y a pas de place pour la grâce de Dieu qui soulagerait les souffrances humaines. Le marché nous soumet à la tentation d'adorer Mammon.
Questions pour conclure
1. La paix règne-t-elle sur les marchés locaux ou mondiaux d'aujourd'hui? Si non, pourquoi? Si oui, s'agit-t-il de la pax Romana ou de la pax Christi?
2. La justice règne-t-elle sur le marché? Si oui, la justice suffit-elle à faire régner la paix sur le marché?
3. Jésus parle-t-il vraiment de la paix sur le marché? Que signifie alors le dernier verset de la parabole?
L'économie du Royaume de Dieu
Lisez ensemble Esaïe 55,1: "O vous tous qui êtes assoiffés, venez vers les eaux, même celui qui n'a pas d'argent, venez! Demandez du grain et mangez; venez et buvez! – sans argent, sans paiement – du vin et du lait." Le marché est un lieu dont l'accès est refusé aux gens sans argent. Tout y a un prix, même les êtres humains. Dans ce contexte cependant, rappelons-nous qu'il existe un marché totalement différent dans le Royaume de Dieu où, même si nous n'avons pas d'argent, nous pouvons avoir la vie en abondance. Si Esaïe 55 offre la vision d'une économie porteuse de vie, le texte de Matthieu 20 est une étude de cas sur la manière de mettre cette vision en pratique: une économie où premier prend soin du dernier est possible. Une économie où le premier et le dernier sont assis côte à côte et festoient ensemble dans la maison du Père est possible! (Luc 15, 11-32)
Étude biblique par Jooseop Keum